Après une introduction qui a resitué le contexte et les avancées de la modélisation globale de la marée océanique à la fin de l’année 1997, la Partie I a développé les outils et les équations dont nous avions besoin pour améliorer notre modèle numérique. Dans notre étude, les composantes harmoniques du spectre de marée ont été calculées avec le modèle hydrodynamique éléments finis CEFMO (Code Eléments Finis pour la Modélisation de la Marée).
La Partie II a été consacrée aux données observées sur le terrain et à leurs traitements avant utilisation pour valider et/ou améliorer les modèles numériques. Nous avons tout d’abord présenté les mesures marégraphiques en illustrant le traitement des données par les observations d’élévation du niveau de la mer réalisées avec les appareils du réseau de marégraphes ROSAME. Puis nous avons développé les traitements à effectuer sur les données altimétriques du satellite TOPEX/Poséidon (T/P) avant leur utilisation dans notre étude.
Dans la Partie III, nous avons introduit la méthode d’assimilation par les représenteurs que nous avons utilisée pour améliorer nos solutions hydrodynamiques. En combinant modèle et données marégraphiques, nous avons produit la solution FES98 indépendante de la mesure altimétrique. Cette solution a singulièrement amélioré la modélisation de la marée en zone côtière. Cependant sa qualité n’atteint pas la précision des modèles assimilant des données en plein océan. C’est pourquoi nous avons calculé la solution FES99 qui assimile à la fois l’information des données marégraphiques essentiellement en zone côtière et l’information des données altimétriques en zone pélagique. La comparaison de cette solution avec les précédentes solutions FESs, a fait ressortir sa plus grande précision. Même si elle est bonne comparée aux modèles antérieurs, nous n’obtenons toujours pas la même précision en zones profondes et peu profondes. Des améliorations doivent encore être apportées en milieu côtier. Pour cela, nous avons entrepris une étude locale sur la Mer Jaune et les Mers de Chine (zone de bathymétrie complexe où a lieu une forte dissipation de la marée) afin d’identifier les améliorations nécessaires à apporter au modèle global.
Enfin, la Partie IV présente un nouveau modèle de marée qui tient compte de l’étude locale précédente. Le calcul d’une nouvelle bathymétrie mondiale adaptée à nos besoins, la génération d’un nouveau maillage global éléments finis et la prise en compte de nouveaux paramètres d’entrée, a permis le calcul d’une nouvelle solution hydrodynamique de marée à haute résolution : FES2000. Une des perspectives de notre étude était d’obtenir une solution indépendante de toutes mesures de terrain. FES2000 est exempte de toutes mesures. Mais sa qualité n’est pas de l’ordre des meilleures solutions actuelles. Nous avons constaté un manque de dissipation dans notre modèle. Les problèmes inhérents à cette modélisation viennent principalement de l’absence de considération des effets baroclines de la marée qui génère des ondes internes.
En cette fin d’année 2000, le satellite
Jason va être lancé afin de remplacer T/P, son aîné
de huit ans. Les immenses progrès que T/P a apporté à
l’océanographie grâce à une quantité sans précédent
de mesures de qualité, laisse présager un avenir prometteur
au satellite Jason. La précision des mesures requise par les futures
applications nécessite une précision accrue des corrections
à appliquer à ces mesures. La marée étant le
principal signal bruitant la signature de la circulation océanique,
les modèles globaux de marée doivent donc être de la
plus grande précision possible. A l’heure actuelle, plusieurs modèles
de marées sont en évaluation pour déterminer celui
ou ceux qui seront utilisés dans les corrections des GDRs (Global
Data Records) de Jason, comme le sont CSR3.0 [Eanes and Bettadpur,
1996] et FES95.2 [Le Provost et al., 1998] pour T/P et ERS-2. Ces
nouveaux modèles ont fait l’objet d’une étude préliminaire
de comparaison réalisée en partie par nos soins à
CLS au sein de l’équipe CALVAL [Dorandeu et al., 2000]. Les
caractéristiques des différents modèles évalués
sont données dans le Tableau 42. Nous avons reporté les caractéristiques
de CSR3.0 et FES95.2 à titre de comparaison. Si nous confrontons
ce tableau à celui des caractéristiques des modèles
disponibles avant 1997 (Tableau 1), nous pouvons voir que leur nombre s’est
restreint mais que les ‘grandes familles’ de modèles sont toujours
présentes. Tous ces modèles utilisent les données
altimétriques de T/P et quelques-uns, des données marégraphiques.
La résolution spatiale de distribution standard est passée
au demi voire au quart de degré. Le besoin de précision en
milieu côtier n’est pas étranger à ce raffinement.
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Tableau 42 : Caractéristiques des modèles globaux de marées en 2000
De même que dans l’introduction du Chapitre 1, nous avons comparé les nouvelles solutions avec une base de 95 données marégraphiques pélagiques. Nous avons de nouveau utilisé une moyenne calculée à partir des ondes M2, S2, K1 et O1 du spectre de marée (Figure 99).
Figure 99 : Comparaisons des principaux
modèles globaux de marées en 2000 par rapport à une
base de données de 95 marégraphes pélagiques
Par rapport aux solutions disponibles en 1997, les solutions de 2000 sont environ 14% plus précises (FES99 comparée à CSR3.0). De plus, nous tendons vers une précision de l’ordre de 1 centimètre en zone pélagique !
Mais obtenons-nous les mêmes améliorations en zone côtière ? Le même travail de comparaison que dans l’introduction a été fait avec la base de données des 739 marégraphes côtiers pour les nouvelles solutions globales de marées (Figure 100).
Figure 100 : Comparaisons des principaux
modèles globaux de marées en 2000 par rapport à une
base de données de 739 marégraphes côtiers
Les solutions de 2000 sont environ 29% plus précises que celles de 1997 (FES99 comparée avec CSR3.0). Nous pouvons certes discuter ces résultats car les nouvelles solutions assimilent des données potentiellement utilisées dans les comparaisons. Or, les méthodes d’assimilation actuelles impliquent qu’une donnée assimilée a un impact global. C’est l’ordre de grandeur de l’amélioration qui illustre les améliorations des nouveaux modèles.
Ces deux comparaisons très simples montrent bien que les progrès dans la modélisation globale de la marée océanique permettent d’augmenter la précision en milieu côtier tout en convergeant vers une précision centimétrique en plein océan.
Il semble difficile à long terme d’améliorer encore la précision des modèles globaux en plein océan car les données utilisées dans les validations et/ou dans les méthodes d’assimilation sont entachées d’une erreur instrumentale. Les modèles risquent donc de ‘creuser’ dans le bruit instrumental s’ils utilisent ces données où bien ils risquent d’être comparés au bruit instrumental lui-même. Ce bruit ne peut être diminué que si nous continuons à acquérir sur le long terme de nouvelles données marégraphiques et altimétriques. En effet la technologie et les moyens de traitement faisant de grands progrès, la qualité des mesures sera accrue et permettra de réduire encore le bruit. Une meilleure modélisation de la marée en plein océan fournira donc au scientifique de nouveaux outils afin de mieux comprendre les phénomènes physiques comme l’énergie des marées et leur dissipation sur le fond océanique.
C’est dans les zones côtières qu’il reste de très nombreux champs d’exploration dans le domaine des marées. La mise en place de notre étude locale montre que nous pouvons améliorer la modélisation de la marée en zone littorale. La construction de notre nouveau maillage, qui identifie les zones de fortes dissipations, s’insère dans une méthodologie globale de simulation qui permet de fusionner des modélisations locales très hautes résolutions avec une modélisation globale. Les applications de l’étude des marées en milieu côtier sont très nombreuses tant dans le milieu scientifique (meilleure compréhension de la dynamique des marées, de la dissipation énergétique, des flux biogéochimiques et sédimentaires, cartographie des courants côtiers marins…) que dans le milieu industriel et environnemental (prévision des marées de tempêtes, aide à la décision pour combattre les pollutions maritimes, aide à la navigation, protection du littoral, aménagement des travaux publics, protection de la faune et de la flore…).
Le modèle qui génère les solutions FESs en est maintenant arrivé à une phase opérationnelle. Et comme nous venons de le voir, dans le domaine de la modélisation des marées, les applications de ce modèle sont, à notre avis, très nombreuses. L’approche éléments finis couplée à notre nouveau maillage et à la puissance sans cesse grandissante des nouveaux supercalculateurs sont tout autant d’atouts à mettre en relation afin de mieux modéliser les marées hauturières et littorales.