(4.6)
Avec
l’opérateur nabla tel que dans les coordonnées cartésiennes
d’un repère (Oxyz) :
et est
le gradient de P.
P
est une fonction scalaire.
Le potentiel, défini à une constante près, est égal au travail qu’effectue la force pour déplacer une masse unité d’un point vers un autre, indépendamment du chemin suivi. On montre qu’un champ d’attraction créé par un point matériel P de masse m dérive d’un potentiel P fonction de la distance r entre P et un point considéré :
(4.7)
Dans le cas de l’étude des marées,
le potentiel qui dérive de la force génératrice des
marées est appelée potentiel générateur
des marées. Le gradient est un opérateur linéaire,
donc, dans le cas du système à trois corps qui nous intéresse
(Terre - Lune - Soleil), nous pouvons décomposer le potentiel astronomique
générateur total
en la somme du potentiel générateur lunaire PL
et du potentiel générateur solaire PS.
Ainsi,
il suffit de déterminer PL,
par exemple, et PS
s’en
déduit aisément. La somme du potentiel lunaire et du potentiel
solaire se nomme potentiel luni-solaire.
(4.8)
Dans le triangle TCP de la Figure 5, nous
avons la relation trigonométrique : ,
ce qui permet d’écrire l’inverse de
et le potentiel
en fonction
de a, RL et
:
(4.9)
(4.10)
(4.11)
avec Pn les polynômes de Legendre définis par les relations :
(4.12)
Cependant dans notre cadre d’étude,
le terme étant petit,
il entraîne une diminution très rapide de l’influence quantitative
des polynômes de Legendre avec l’ordre du développement. La
contribution du polynôme P2 représente environ
98% du potentiel lunaire total et une fraction encore plus importante du
potentiel solaire total [Le Provost, 1973]. C’est pourquoi, nous
nous limitons à l’ordre 2, limite de précision des mesures
in situ même si dans certains cas, le développement est utilisé
jusqu’à l’ordre 3 [Doodson, 1921; Le Provost, 1973]
Les quatre premiers polynômes de Legendre s’écrivent alors
en fonction
:
(4.13)
Ce qui nous permet après simplifications, puisque le potentiel est défini à une constante près, d’exprimer le potentiel générateur lunaire à l’ordre 3 :
(4.14)
Ce potentiel ne dépend :
et
avec :
(4.15)
D’après (4.14) nous pouvons écrire le potentiel luni-solaire à l’ordre 2 :
(4.16)
Même si la marée statique ne représente pas bien la marée réelle, elle permet d’obtenir une bonne approximation de son ordre de grandeur. Ainsi, l'amplitude de la marée d'équilibre lunaire est au maximum de 54 centimètres, et la marée d'équilibre solaire est au maximum de 25 centimètres [Bessero, 1985]. La marée d’équilibre luni-solaire est donc inférieure à un mètre.
Plaçons-nous dans le repère
introduit en dans le paragraphe 3.3.1 dont l’origine est le centre de la
Terre. L’intersection du plan équatorial avec le plan méridien
contentant le méridien de Greenwich est l’axe des x. L’axe
des y est dans le plan équatorial et perpendiculaire à
l’axe des x. L’axe des z est l’axe des pôles.
Figure 10 : Coordonnées horaires
d’un astre perturbateur
Soit :
(4.17)
En reportant (4.17) dans (4.15) et en ne considérant qu’un astre, nous avons après simplifications :
(4.18)
Les trois termes de la somme de (4.18) ont une dépendance différente en fonction de AH, angle horaire de l’astre perturbateur considéré :
La distance moyenne de la Terre au Soleil
est de 149,6 millions de kilomètres. Le Soleil évolue dans
le plan de l’écliptique qui fait un angle
(obliquité de l’écliptique) avec l’équateur
terrestre variant peu au cours du temps : environ 23,45°. L’excentricité
moyenne e du Soleil (paramètre définissant le
caractère non rigoureusement circulaire de l’orbite solaire) est
de 0,017. Le point vernal bouge très légèrement le
long de l’écliptique pour faire une révolution sur le plan
de l’écliptique en 26000 années environ (précession
luni-solaire). Le périgée solaire (point de l’orbite
le plus proche du Soleil) est à 147,1 millions de kilomètres
de la Terre. L’apogée solaire (point de l’orbite le plus
éloigné du Soleil) est à 152,1 millions de kilomètres.
Le périgée solaire accomplit une révolution sidérale
en 209,4 siècles. La durée d’une révolution de la
Terre est d’une année tropique soit 365,24 jours.
La Lune est à une distance moyenne
de la Terre de 384400 kilomètres. Elle évolue dans le plan
de l’orbite lunaire d’excentricité moyenne égale à
0,055. Cette excentricité est moyenne car à cause des perturbations
dues au Soleil, elle varie en fait entre 0,044 et 0,067. Son inclinaison
moyenne i par rapport à l’écliptique est de 5,15°
et varie entre 5° et 5,3°. Le nœud ascendant lunaire
est le point d’intersection de l’orbite lunaire avec le plan de l’écliptique
quand le mouvement de la Lune est dirigé vers le nord. L’inclinaison
I
de l’orbite lunaire par rapport à l’équateur varie au cours
du temps en fonction de la position de
: de 18,5° quand
coïncide
avec
à 28,5° quand
coïncide
avec l’équinoxe d’automne (le point diamétralement
opposé à
, c’est-à-dire
le point sur la ligne d’équinoxe où le Soleil coupe
le plan équatorial le 23 septembre). La périodicité
de passage de
sur
est de 18,61 années, ce qui entraîne un mouvement annuel de
dans la direction ouest de 19,57° par an : c’est la régression.
Par commodité dans l’étude des marées, l’inclinaison
de la Lune sur l’écliptique et l’excentricité lunaire variant
très lentement dans le temps, des valeurs moyennes dépendant
de la date considérée suffisent aux calculs. Le périgée
lunaire est à 363296 kilomètres de la Terre. L’apogée
lunaire est à 405504 kilomètres. La durée d’une révolution
sidérale de la Lune est égale en moyenne à 27,32 jours
et celle du périgée lunaire à 8,85 années tropiques.
Figure 11 : Caractéristiques
des mouvements de la Terre, la Lune et le Soleil
Pendant la durée de rotation de la Terre par rapport aux étoiles fixes (jour sidéral), le Soleil s’est déplacé lui aussi le long de l’écliptique dans le sens inverse de la rotation terrestre. Donc le jour solaire moyen (passage du Soleil moyen au-dessus d’un même méridien terrestre après une rotation autour de la Terre) est légèrement plus court (23h56min) que le jour sidéral. Au contraire, la Lune se déplace le long de son orbite dans le même sens que l’axe de rotation terrestre. Le jour lunaire moyen est donc plus long que le jour sidéral soit 24h50min28s. Les pleines lunes et les nouvelles lunes ont lieu à chaque fois que la Lune repasse au même point du plan de l’écliptique soit tous les 29,53 jours : c’est la lunaison.
Nous avons insisté sur les nombreuses périodes des différents phénomènes résultants de la rotation des astres perturbateurs (Lune et Soleil) autour de la Terre, car elles vont se retrouver dans les périodicités des composantes de la marée. Toutes les périodicités décrites ci-dessus sont incommensurables deux à deux, c’est-à-dire que les mouvements des deux astres perturbateurs n’engendrent pas une force génératrice des marées périodique au sens strict. En effet, il n’existe pas de période au bout de laquelle le phénomène de marée (et donc l’élévation du niveau des océans due aux marées) soit identique. Cependant, il existe une période au bout de laquelle la configuration est quasiment identique. C’est la période chaldéenne ou période de Saros qui correspond à :
Longitude moyenne |
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Tableau 3 : Valeurs des angles fondamentaux des mouvements de la Lune et du Soleil
Considérons le temps en jours juliens diminué du nombre de jours juliens écoulés au 31 décembre 1899, minuit temps universel. Dans la période julienne, la date d’origine est le 1er janvier 4713 avant J.-C. à midi (calendrier julien). La journée qui sépare le midi du 1er janvier à celui du deux janvier porte le numéro 0. Soit T le nombre de siècles juliens (soit 36525 jours solaires moyens).
Afin que tous les angles augmentent vers
l’est, Doodson a défini .
Avec cette convention temporelle, les 5 angles fondamentaux sont alors
[Doodson, 1921] :
(4.19)
Enfin, le temps moyen solaire de Greenwicht
et le temps moyen lunaire de Greenwich
par la relation sont définis par :
(4.20)
Le Tableau 4 donne les périodes des angles fondamentaux.
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Tableau 4 : Périodes des angles fondamentaux
Chaque onde est caractérisée par une appellation symbolique composée d’une lettre pour indiquer le groupe auquel elle appartient (M, S, O, N, K, Q, s, r, t, c...) et d’un indice pour indiquer sa périodicité :
(4.21)
avec :
Les
sont appelés les facteurs de latitude : ce sont eux qui déterminent
le type de la marée. Ils dépendent de
la latitude à laquelle le potentiel s’exerce. Les coefficients
et
sont définis dans
le paragraphe 4.2.2.3.
et
sont les déclinaisons respectives de la Lune et du Soleil, et
et
, leurs angles horaires respectifs.
(4.25)
avec :
(4.26)
Les composantes ayant le même A constituent une espèce. Les composantes qui ont le même A et le même B constituent un groupe. Enfin, celles qui ont le même A, le même B et le même C constituent un sous-groupe.
Nous reportons dans le Tableau 5 les principales composantes et leurs caractéristiques. Tous les coefficients ont été recalculés par nos soins. L’origine de l’onde est Lunaire (L) ou Solaire (S). Ces calculs nous ont permis d’une part de vérifier les calculs de Doodson et d’autre part ajouter les fréquences en radians par secondes des différentes ondes du spectre de marée. Ce tableau corrobore et complète les travaux de Doodson.
De ce Tableau 5, nous pouvons tirer plusieurs
remarques. Bien que le développement de Doodson comporte plus de
400 composantes, celles qui sont sélectionnées ci-dessus
représentent la plus grande partie de celles du potentiel générateur.
Grâce à la période calculée des composantes,
nous retrouvons les trois grandes classifications (espèces) des
ondes de marée : les longues périodes (périodes supérieures
au jour), les diurnes (périodes de l’ordre de la journée)
et les semi-diurnes (périodes de l’ordre de la demi-journée).
Enfin, ce qui caractérise principalement les trois différentes
espèces, c’est , le temps
solaire moyen multiplié par un coefficient égal à
0 pour les longues périodes, 1 pour les diurnes et 2 pour les semi-diurnes.
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Doodson |
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(°/h) |
(rad/s) |
(jours) |
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s1 |
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r1 |
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t1 |
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c1 |
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p1 |
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y1 |
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j1 |
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q1 |
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m2 |
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n2 |
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l2 |
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Tableau 5 : Principales composantes extraites du développement de Doodson (calculs de l’auteur)
Le nom donné par Darwin à chacune des composantes de la marée (M2, K1…) caractérise l’origine de la force génératrice élémentaire. Déterminons l’origine des principales ondes de marée suivant l’amplitude donnée par le coefficient harmonique du développement de Doodson (cf. Tableau 5). La composante la plus importante est M2(en anglais : M=Moon, 2=semi-diurne). C’est la composante lunaire principale due à un astre fictif de la taille de la Lune évoluant suivant une orbite circulaire dans le plan de l’équateur terrestre. Sa période est de 0,5175 jours soit 12h25min, ce qui correspond approximativement à la période séparant deux basses mers et deux pleines mers le long des côtes atlantiques européennes (la moitié du jour lunaire moyen). Elle est encadrée par plusieurs composantes à variations elliptiques de sa période dont les deux plus importantes sont L2 l’elliptique lunaire mineure de M2 et N2 l’elliptique lunaire majeure de M2 (la lettre M est entre L et N dans l’alphabet). N2 est induite par les variations de la distance entre la Terre et la Lune. L’équivalent de M2 pour la lune est S2 pour le Soleil (en anglais : S=Sun, 2=semi-diurne) dont la période est exactement 0,5 jours soit 12h00min ce qui correspond à une demi-journée de jour sidéral. S2 est elle aussi encadrée de plusieurs composantes à variations elliptiques de sa période. Les deux plus importantes sont R2 l’elliptique solaire mineure de S2 et T2 l’elliptique solaire majeure de S2 (R et T encadrent S). Enfin il existe K2L et K2S deux composantes qui, ayant le même nombre de Doodson et la même période mais dont l’une à pour origine la Lune et l’autre le Soleil, sont dénommées de manière identique. C’est pourquoi K2 est nommée déclinationnelle luni-solaire semi-diurne. Elle est liée à la variation des déclinaisons de la Lune et du Soleil.
Les ondes de l’espèce diurne sont dues à la déclinaison de la Lune et su Soleil. Elles engendrent des inégalités diurnes de la force génératrice des marées. La composante principale est K1. Tout comme K2, elle se compose d’une partie lunaire, K1L et d’une partie solaire K1S. K1 est nommée déclinationnelle luni-solaire diurne. Sa période est de 0,9973 jours soit 23h56min11s. O1 est la composante lunaire diurne principale et est induite par les variations de la déclinaison de la Lune. P1 est la composante solaire diurne principale et est générée par les variations de déclinaison du Soleil. K1 et O1sont encadrées de plusieurs composantes qui correspondent à des variations elliptiques par rapport à leurs périodes. Ainsi, Q1 est la composante elliptique majeure de O1.
Enfin, l’espèce des longues périodes est plus particulière. M0 et S0correspondent aux termes permanents de la marée. M0 est l’onde lunaire permanente et S0 est l’onde solaire permanente. En considérant une Terre entièrement recouverte d’une fine pellicule d’eau correspondant aux océans, l’équilibre statique est tout le temps vérifié pour les ondes longues périodes. Les continents ont donc très peu d’influence sur cette espèce d’onde. Dans le développement harmonique de Doodson, la Terre est supposée rigide, ce qui n’est pas le cas. En effet, elle présente une certaine élasticité, qui fait que la force génératrice des marées s’applique, elle aussi, aux continents et aux terres submergées. La marée calculée n’est donc pas la marée réelle, car le plancher océanique se soulève et s’abaisse lui aussi. Il faut donc tenir compte de ce phénomène pour obtenir la marée réelle. Les termes permanents de la marée sont représentatifs de ce phénomène. En général, leurs effets sont pris en compte dans le phénomène des marées terrestres qui sont soustraites aux marées calculées pour accéder à la marée réelle (cf. Chapitre 6). Sa est l’onde solaire annuelle (en anglais : S=Sun, a=annual) due aux variations de la longitude moyenne du Soleil par rapport à son périgée. Sa période est légèrement supérieure à l’année tropique soit 365,26 jours. De même pour la Lune, il existe Mm qui est l’onde lunaire moyenne mensuelle (en anglais : M=Moon, m=monthly), de période 27,55 jours soit un peu plus que la durée d’une révolution sidérale moyenne de la Lune. Enfin, les variations des déclinaisons du Soleil et de la Lune engendrent respectivement Ssa (en anglais : S=Sun, sa=semi-annual) l’onde déclinationnelle solaire semi-annuelle et Mf (en anglais : M=Moon, f=fortnigthly) l’onde déclinationnelle lunaire semi-mensuelle.
(4.27)
étant le conjugué complexe qui correspond à la marée
d’équilibre à Greenwich, de degré l et d’ordre
m.
Les parties réelles et imaginaires de
comprennent les paramètres nodaux [Munk and Cartwright, 1966].
Les
sont les harmoniques sphériques
complexes qui dépendent uniquement du lieu considéré
:
(4.28)
avec :
(4.29)
Cartwright et Tayler ont directement calculé les éphémérides de la Lune et du Soleil et ils ont pris en compte la très légère variation de l’angle de l’écliptique avec l’équateur terrestre. Ce qui entraîne que leurs coefficients harmoniques du potentiel générateur, contrairement à ceux de Doodson, varient très légèrement dans le temps. Le développement du potentiel par Doodson est analytique tandis que celui de Cartwright et Tayler en extrait les différents termes du potentiel en faisant une FFT (Fast Fourier Transform) d’éphémérides. Cependant, les résultats sont très comparables. Les écarts entre les coefficients harmoniques de Doodson et ceux de Cartwright et Tayler n’excèdent pas 0,1%.
C’est pourquoi, dans la suite de notre étude, nous utiliserons le développement du potentiel générateur de Doodson pour tous nos calculs.